Parcours intéressant et peu fréquenté pour la visite des ruines d’un étrange village au lourd passé historique et quelques endroits qui méritent le déplacement comme les palmeraies de l’oasis de Takoualte.
Ksar el Barka
Située au pied des collines rocheuses appelées Inekchane, Ksar el Barka fut construite dans l'oued encaissé d'el Abiod au cœur d'un des plus beaux réseaux hydrographiques du Tagant. Avant sa destruction en 1822, la petite cité, placée sur l’une des passes du plateau du Tagant, prospéra grâce au commerce caravanier et à ses palmeraies. Cette situation donne à penser que le lieu a pu être occupé à une époque ancienne ainsi que pourraient en témoigner les ruines qui subsistent sur les collines rocheuses voisines, celles d’Anekch el Kehal et celles d’Anekch el Abiod à l’Est des précédentes, toutes les deux à cinq kilomètres au Sud du village.
L’histoire moderne de Ksar el Barka est peu connue, sa fondation daterait de la fin du XVIIe siècle, vers 1690. Elle serait en ce cas postérieure, d’une part à l’invasion du Tagant par les Arabes Maqil au XVIe siècle, d’autre part, à la disparition des empires du Niger à la fin du même siècle (1591, conquête du royaume Sonrhaï par le Sultan du Maroc). Ksar el Barka fut détruite en même temps que Rachid en 1822-23 par les Ahel Sidi Mahmoud et les Ahel Mohamed Cheïne. Une épidémie de variole s’abattit alors sur les gens du Tagant. Les chroniques relatent en outre que soixante-dix ans plus tard, en 1892-1893, Ksar el Barka fut le champ de bataille d’un grand combat entre les Kounta et les Zenaga et que les premiers furent victorieux tandis que les Zenaga vaincus perdirent dix-sept notables des Ahel Mohamed Cheïne.
Lors de sa visite en 1960, Dj. Jacques-Meunier constatait que c’était un village presque détruit dont la palmeraie était délabrée, quelques maisons étaient préservées de la ruine pour servir d’entrepôts aux nomades maures de la tribu des Oulad Sidi Haïballah, Ida Iboussate, Ahel Adoubba, ces derniers faisant partie de la tribu des Kounta. Les maisons étaient gardées et médiocrement entretenues par les serviteurs agricoles de ces nomades qui prenaient soin des jardins et des palmiers de leurs maîtres.
Ksar el Barka présente une remarquable architecture, murs épais constitués de pierres en grès, bien équarries et jointoyées avec du banco : façades décorées de belles alvéoles triangulaires. Sa mosquée présente le même plan que celle de Ouadane. Dj. Jacques-Meunier signalait que la partie du village subsistant était construite sur un plan géométrique assez régulier, avec des ruelles nombreuses se coupant à angles droits. Les demeures étaient vastes, comprenant en général une ou deux grandes cours sur lesquelles ouvraient des dépendances. L’étendue de ces demeures leur donnait l’aspect de domaines ruraux ménageant la place de rentrer les animaux; ces vastes cours servaient aussi à abriter les caravanes et leurs escortes. Dans les demeures d’anciens chefs, le linteau de la grande porte ouvrant sur la cour était surélevé afin de pouvoir livrer passage aux chameliers sans qu’ils aient à descendre de leur monture. Cette entrée de la cour était la seule ouverture vers l’extérieur de la maison. Aujourd’hui, on peut encore voir toutes ces dispositions.
Dj. Jacques-Meunier remarqua que plusieurs maisons comportaient des latrines; la présence de celles-ci est inhabituelle dans les demeures du Tagant et du Hodh. Elles étaient formées par un sol à claire-voie en quartiers de troncs de palmiers, et situées à hauteur d’étage ou de demi-étage auxquelles un petit escalier donnait accès.
Le poste de Ksar el Barka.
Au début de l’année 1905, la tribu des Idaou Aïch se concentre au Foum el Batha de l’oued el Abid pour s’opposer à l’occupation du Tagant par la mission Coppolani arrivant de Boghé sur le fleuve. Par une habile manœuvre à marche forcée la colonne franchit le 21 février la passe de Dikel qui lui donne accès au district des hautes terres. Les Idaou Aïch contournés sont alors obligés de battre en retraite vers le sud. Pendant que la colonne va construire un poste à Ksar el Barka, un détachement les poursuit par le Foum el Batha afin de retenir leur attention car un convoi de ravitaillement doit arriver de Kaédi. Le 26 février, la colonne établit son campement au lieu-dit El Beder mais alors qu’elle fait une tournée pour se procurer des vivres, elle est attaquée par un fort parti d’Idaou Aïch qui l’assiège ensuite dans son campement. Une partie de la horde, sûre de son succès futur et informée du passage du convoi part à sa rencontre, elle se trouve rapidement en sa présence au lieu-dit Touizizirt. Mais le convoi est commandé par Michelangeli, un commis des Affaires indigènes, qui rejoint la mission. Les hésitations des attaquants lui permettent d’installer en batterie le maximum d’armement dont une mitrailleuse qu’il sert lui-même. Les pertes qu’il leur inflige sont si lourdes que les Idaou Aïch lâchent pied, sans donner suite à leur premier dessein qui était d’enlever le campement de la colonne. Le ravitaillement peut alors rejoindre le gros de la colonne de la mission Coppolani à Ksar el Barka qui envoie aussitôt le capitaine Frèrejean dégager le campement d’El Bader. Celui-ci en profite, avec les rescapés, pour poursuivre les Idaou Aïch et après un dur combat à la source de Tincheiba leur enlève sept mille moutons et tout leur ravitaillement en grain. Un butin qui est alors dirigé sur la mission qui a entrepris sa marche sur Tidjikja et qui les attend au point d’eau de Méchera après avoir laissé un détachement pour terminer la construction du poste de Ksar el Barka. El Barka ne fut qu’un poste temporaire sur le parcours de la mission; trop isolé, il sera évacué plus tard quand la pacification du Tagant sera terminée et la sécurité assurée.